Esquisse d'un bilan ça fait, je le réalise, titre d'article de doctrine de l'AJDA (du genre : "Dix ans de pratique du contentieux contractuel : esquisse d'un bilan"), mais bon, je n'ai pas trouvé mieux.
Bref, cela fait maintenant plusieurs mois que je suis, enfin, avocat collaborateur en droit public au sein d’un cabinet et, je dois l’admettre, mes attentes ont été satisfaites et je n’ai pas été surpris.
D’emblée, et je l’ai déjà dit plusieurs, mon expérience et mon ressenti ne peuvent être généralisés, tant les cabinets sont différents et, pour certains, difficiles.
Voici quelques impressions personnelles, que je vais essayer de mettre en perspective avec des ressentis que j’ai pu recueillir auprès de jeunes confrères, sur les points qui sont, je le crois, les plus importants pour une jeune collaborateur, et qui peuvent constituer les critères d'une bonne première collaboration.
La charge de travail
Sur ce point, il est certain que la charge de travail varie d’un cabinet à un autre. Pour ma part, la charge est assez importante, notamment si je compare avec celle des jeunes collaborateurs dans des cabinets de taille similaire. Et il n’est pas rare de rester tard le soir ou, même, de travailler le week-end.
Cela n’est pas un problème si cette donnée est acceptée et intégrée avant de rejoindre le cabinet, et surtout si l’ensemble du cabinet travaille également d’arrache-pied, ce qui est le cas ici.
Par ailleurs, et même si certaines fois c’est clairement galère de revenir bosser un week-end, la pilule passe bien mieux lorsque les associés ont conscience d’une telle charge de travail (et du caractère anormal de celle-ci), ce qui n’est pas le cas partout. Et c’est d’autant plus acceptable lorsque lesdits associés travaillent également beaucoup.
Même, une charge de travail importante me paraît indispensable pour se lancer en tant que jeune collaborateur et progresser.
Clairement, nous exerçons une profession difficile et la charge importante de travail signifie avant tout que le cabinet rentre beaucoup de dossiers.
La diversité du travail
Je suis ici plutôt bien tombé, car le travail est assez diversifié.
De manière générale, l’activité quotidienne d’un cabinet (de taille moyenne) en droit public s’articule principalement autour des contrats publics et de l’urbanisme, et, à ses domaines il convient d’ajouter des satellites qui reviennent régulièrement : fonction publique, collectivités locales, droit électoral, responsabilité, environnement, etc.
Souvent, en tout cas selon ce que je crois remarquer, les cabinets en droit public de taille moyenne ou plus substantielle sont « divisés » (officiellement ou non) en pôle d’activités et, ainsi, chaque collaborateur traitera majoritairement ou quasi-exclusivement d’une seule composante : commande publique ou urbanisme etc. C’est dommage car, même s’il paraît normal de fonctionner dans le cadre d’une telle logique dès lors que la productivité est théoriquement accrue, il reste important, notamment en tant que jeune collaborateur, de faire de tout, ce qui est, par chance, mon cas.
Ensuite, le travail est généralement réparti entre conseil et contentieux, c’est-à-dire, plus précisément, entre consultations et écritures devant les juridictions. Dans les cabinets de taille moyenne tel que le mien (c’est-à-dire qui ne font pas partie des anglo-saxons ou des gros mastodontes français), la répartition est en général assez équilibrée, avec, quand même, une prédominance légère du conseil.
Enfin, en plus des activités classiques décrites, il faut rajouter plusieurs choses.
Premièrement, les audiences.
A cet égard, et même si devant les juridictions administratives la procédure est essentiellement écrite, elle s’oralise de plus en plus et, au fond, il est courant de plaider au moins quelques minutes après la lecture des conclusions du rapporteur public, notamment lorsque le client est présent à l’audience (et qu’il ne comprendrait pas que l’avocat ne dise rien) ou que les conclusions du rapporteur public sont défavorables.
Et je ne parle pas des référés où il faut nécessairement plaider, et où les collaborateurs juniors sont susceptibles d’être envoyés.
Deuxièmement, les réunions.
Chaque collaborateur junior a été confronté à l’un des aspects les moins intéressants de la profession : les expertises. Passer une journée dans un lieu insolite (station d’épuration, etc.) pour dénombrer les fissures où les malfaçons, dans une incompréhension latente eu égard aux termes techniques énoncés, et parfois dans une ambiance exécrable (chaque partie essayant de se rejeter la faute, avec parfois des avocats emplis de mauvaise foi et d’un théâtralisme aussi ridicule qu’inutile).
A cela il faut rajouter les réunions plus classiques, souvent téléphoniques, et souvent longues.
Troisièmement, les formations.
Cela arrive plus ou moins régulièrement, mais les cabinets d’avocats organisent plus ou moins souvent des formations auprès de professionnels, ce qui va induire, pour le collaborateur, la préparation du support de formation (et pour une formation de deux jours, croyez-moi qu’il vous faut un powerpoint très très long), voire assurer ladite formation.
L’autonomie
C’est clairement un des éléments fondamentaux et, ici encore, cela varie beaucoup selon les cabinets.
Quand je parle d’autonomie, je pense d’abord à l’autonomie laissée vis-à-vis des clients. Dans certains cabinets, les contacts entre les collaborateurs juniors et les clients sont limités voire inexistants, et le collaborateur n’est pas toujours autorisé à envoyer un mail aux clients, ne serait-ce que pour demander des pièces (pourtant essentielles) dans un dossier. Et je ne parle pas des appels téléphoniques spontanés.
C’est pourtant clairement un des points les plus importants, et le fait d’être en contact régulier avec le client qui, lorsque vous travailler sur un dossier, vous considère comme l’un des référents de celui-ci (sinon le référent) avec l’associé en charge du dossier, vous fait progresser énormément. En plus, c’est probablement l’un des aspects les plus enrichissants de la profession d’avocat, donc c’est assez dommage de passer à côté de cela. Par ailleurs, c’est un des aspects qui vous fait prendre le plus d’assurance.
L’autonomie, c’est aussi dans les conditions de travail. Certes, il est certain que la collaboration libérale se heurte à deux éléments très concrets : vous avez tellement de travail que vous avez peu de temps (ou pas de temps) à consacrer à une hypothétique clientèle personnelle et il est également certain que les associés pour qui vous travaillez ont une autorité hiérarchique sur vous. Cela étant, une fois ces éléments acceptés, il y a aussi des cabinets qui font attention aux horaires des collaborateurs (obligation d’arriver à 9h, recommandation de partir à 20H et pas après, etc.), ce qui est, je trouve, assez idiot en plus d’être infantilisant, l’important étant que le travail soit fait.
L’ambiance
Probablement le point le plus important (pour moi, en tout cas). Deux facettes.
Entre les collaborateurs d’une part, et je peux vous dire qu’une mauvaise ambiance entre les collaborateurs est de nature à vous déprimer d’aller au cabinet le matin. Et même l’absence d’ambiance (après tout, on a pas de la chance d’avoir des affinités avec tout le monde).
S’il est difficile de connaître à l’avance cet aspect (qui varie d’ailleurs selon le turn-over des collaborateurs), il est utile de se renseigner auprès d’anciens ou d’actuels collaborateurs.
Entre les associés et les collaborateurs d’autre part, même si ce point varie beaucoup selon les personnes, selon les affinités.
Mais franchement, travailler avec des associés humains avec qui vous pouvez entretenir des bonnes relations (professionnelles, certes) de confiance, ça change la vie, surtout avec le rythme de travail qu’on a. Pouvoir parler librement avec son associé, cela n’a vraiment pas de prix.
Sur ce point, cela va varier beaucoup selon les cabinets, et il y a pas mal de cabinets à éviter, sur lesquels beaucoup de rumeurs sont véhiculées, certaines d’entre elles n’étant pas infondées.
La rémunération
Concrètemement, soit vous êtes dans un gros cabinet (anglo-saxon ou gros français) et vous émargez à plus de 60k par an, soit vous êtes dans un cabinet de taille moyenne et vous êtes souvent au tarif UJA (ou aux alentours). Ce dernier a été revalorisé récemment à 3 745 € brut par mois, ce qui est, somme toute, pas mal. Evidemment, il faut décompter les charges et, après impôts la première année, on se retrouve à osciller entre 1900 et 2300 € net pour vivre (selon ce que vous gardez).
Mais beaucoup sont payés moins, et se retrouvent parfois à mi-temps, et la paupérisation des avocats est un fait acquis qui se développe.
Après, on ne devient pas avocat pour l’argent, car il est bien plus aisé d’en gagner plus en entreprise ou autre.
Bref, encore une fois, difficile de donner un mode d'emploi d'une bonne collaboration, mais les aspects venant d'être évoqués constituent très clairement des critères de choix, à charge pour les futurs avocats de se renseigner sur les cabinets.